MESSAGE À L’OCCASION DE LA JOURNÉE MONDIALE DU 8 MARS
MARCH 7 2017
Written by homme de fer and from Overblog
Aux femmes, aux jeunes filles de l’Algérie nouvelle,
A toutes les fleurs vivantes de notre pays
Après les journées et les nuits d’Octobre, alors qu’on pose les fondations du grand Maghreb de nos ancêtres, un spectre hante nos débats : c’est l’image d’une femme appelée Kahina par les envahisseurs qui voyaient en elle une prophétesse. C’est le sens exact du mot « kahina ».
Cette femme, morte au combat, dans une guerre de deux mille ans qui fonde notre histoire, avait le don de la parole. C’est pourquoi les arabes l’appelaient prophétesse, et voici son message :
« Ils s’étonnent de vous voir dirigé par une femme.
C’est qu’ils sont des marchands d’esclaves.
Ils voilent leurs femmes pour mieux les vendre.
Pour eux, la plus belle fille n’est qu’une marchandise.
Il ne faut surtout pas qu’on la voie de trop près.
Ils l’enveloppent, la dissimulent, comme un trésor volé.
Il ne faut surtout pas qu’elle parle, qu’on l’écoute.
Une femme libre les scandalise, pour eux je suis le diable ».
La prophétesse avait un nom. Elle s’appelait Dihya. Elle dirigea jusqu’à sa mort la confédération des tribus imazighen, dans toute l’Afrique du Nord.
Quand on pense qu’une femme dirigea ce pays immense dont l’Algérie était le centre, et quand on pense à la condition actuelle de la femme algérienne, on mesure le recul…A plus d’un millénaire de distance, on peut s’interroger. Qu’est devenue la Kahina ? Elle n’est plus à la tête de l’Etat, c’est le moins qu’on puisse dire. Par contre, on la retrouve au Pakistan en la personne de Benazir Bhutto. Comme par hasard, elle a été élue présidente par une majorité de musulmans, dans la plus grande république islamique du monde, alors qu’en Algérie c’est au nom de l’Islam qu’on opprime les femmes…Cela n’empêche pas les Algériennes de s’imposer par leur lutte. Notre Kahina d’aujourd’hui n’est plus, n’est pas encore à la tête de l’Etat, mais elle n’est pas seulement au centre du foyer. Elle brille, même voilée, comme une étoile secrète.
Dans l’Algérie coloniale, ce qui frappait, au lever du jour, c’était la multitude des voiles blancs sur la route, innombrables « boniches » et bonnes à tout faire qui allaient chaque matin travailler chez les autres, pour ne rentrer qu’à la nuit noire.
Dans l’Algérie nouvelle, une autre multitude apparaît désormais, celles des filles qui prennent le chemin de l’école. Elles ne sont plus l’infime minorité qu’elles étaient il y a trente ans. Mais combien de ces écolières peuvent espérer l’université ? Combien devront subir, dès leur nubilité, le mariage de raison, c’est-à-dire le viol légal, la tutelle du mari et de la belle-mère, après celle du père, du frère ou de l’oncle ?
Certes les choses ont changé. Le progrès est réel, c’est même plus qu’un progrès, une révolution, dans notre société qui n’avait évolué jusqu’ici qu’en se repliant sur elle-même, et en se raidissant contre l’occupant étranger, ce qui empêchait toute critique interne…Oui, une révolution et c’est précisément ce bond en avant à la rencontre des temps modernes qui exaspère nos passéistes. Les forces du passé ont toute la pesanteur des siècles d’aliénation. Les forces de l’avenir sont encore fragiles.
Parmi les femmes qui manifestaient récemment au centre d’Alger, on remarquait des militantes connues pour leur rôle dans la lutte de libération. Cela n’empêche pas nos misogynes d’associer systématiquement l’émancipation de la femme à un modèle européen, autrement dit une force d’invasion étrangère !
Les ennemis du progrès ne manquent jamais de brandir le nationalisme et la religion. Les armes de la censure et de l’auto-censure sont les plus redoutables pour une société qui avance dans l’ombre et la confusion, sans parler de la misère.
J’ai entendu les plaintes des ouvrières de la SONELEC à Sidi Bel Abbès, agressées dans la rue par les fanatiques. Ils leur reprochent de travailler, dans un pays où beaucoup d’hommes sont encore chômeurs. Cela veut dire, bien sûr, que les femmes passent après les hommes…Eternelle sacrifiée, la femme, dès sa naissance, est accueillie sans joie. Et, quand les filles se succèdent, leur naissance devient une malédiction, car, jusqu’au mariage, c’est une bombe à retardement qui met en danger l’honneur patriarcal, et la jeune fille, en grandissant, rend ce danger toujours plus grand. Elle sera donc recluse dans le monde souterrain des femmes. On n’entend pas sa voix. C’est à peine un murmure.
Le plus souvent, c’est le silence. Un silence orageux. Car le silence engendre le don de la parole, dès que les femmes sont entre elles, et qu’elles peuvent parler librement. Seuls les petits garçons qui passent inaperçus avec leurs mères dans les bains maures, peuvent entendre la voix des femmes. Mais dès que le garçon va vers l’adolescence, il n’approche plus que le fantôme de la féminité. La présence de la femme n’est qu’une des formes de son absence.
C’est pourquoi on l’idéalise, pour mieux la piétiner, faute de la connaître. Seule l’enfance échappe au ghetto sexuel. Pas pour longtemps, hélas ! La petite fille, passe encore, mais gare à la jeune fille, et surtout à la femme. La femme, c’est le démon, un démon intouchable : ainsi les fanatiques vont jusqu’à refuser de lui serrer la main. En somme, ce qu’on reproche à la femme, c’est d’être belle, d’inspirer le désir, en un mot d’être femme ! Il faut qu’elle vive dans l’ombre, que sa beauté soit clandestine, que toujours elle soit la servante de l’homme, qu’elle s’efface et soit soumise à son seigneur et maître…Que de courage il faut, chez nous, pour être femme !
L’héroïsme, l’amour, le dévouement, le sens du sacrifice, c’est d’abord chez les femmes qu’on l’a toujours trouvé.
Beaucoup d’hommes le savent, en leur for intérieur, mais n’osent pas le dire, et en tirer les conséquences.
Il suffit, pour chaque Algérie, de penser à sa mère, à ses sœurs, à son abnégation pour se sentir coupable. Et le même Algérien qui adore sa mère, n’hésite pas à brimer sa sœur et sa femme, au nom d’une fausse virilité qui stérilise le pays : moins de 5% des Algériennes travaillent contre 68% des Françaises. C’est que nos fanatiques assimilent le travail des femmes à la prostitution !
Un pays qui empêche ses femmes de travailler se condamne lui-même au sous-développement et devient tôt ou tard la proie des puissances étrangères. Et quand les femmes travaillent, le pays avance. Je n’en veux pour preuve que les ouvrières de la SONELEC de Sidi Bel Abbès, elles mettent au point les postes de télévision. Les hommes ne peuvent pas rivaliser en finesse, en délicatesse dans le travail de précision accompli par ces femmes. Elles sont déjà plusieurs milliers. Et les agressions dans la ruie ne les ont pas empêchées de rester à leur poste.
Honneur aux femmes, à leur beauté, à leur courage, à leur travail, et à leur juste cause !
Portrait réalisé par le peintre Issiakhem
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