Le livre de Mohamed Rebah n’a pas produit cet effet par simple mécanique. Des dizaines de rencontres ont eu lieu avec des tous petits enfants d’écoles primaires, d’élèves des collèges, des usagers des centres culturels, de lecteurs venus pour une dédicace ou autour de la tombe du martyr au cimetière d’El Alia.
Je retiens une émotion particulière de la rencontre au Centre Culturel Mustapha Kateb, au cours de laquelle s’est exprimé le regret que le cercle Taleb Abderrahmane soit fermé depuis des années sous des couches de poussières et d’oubli.
Etaient présentes, ce jour-là, Zoulikha Bekadour, Hassiba Oldache, Louisa Ighilariz, Salima Bouaziz Sahraoui, Ouahiba Medjaoui, militantes de la libération nationale et de nombreuses autres femmes.
Mohamed Rebah écrira une lettre pour alerter sur l’état de ce lieu.
Il entreprit les démarches qui lui semblaient nécessaires.
Il continua surtout à faire connaître l’importance de Taleb Abderrahmane dans la bataille d’Alger, son courage exemplaire mais surtout la force morale de militant, son attitude devant les tribunaux.
Bref, il fit le nécessaire pour qu’apparaisse clairement le caractère hautement symbolique du parcours de cet homme exceptionnel.
Il a réussi à émouvoir, car un symbole, c’est cette autre moitié de nous-mêmes qui nous donne sens et identité.
Qui nous raconte le chemin des retrouvailles avec nous-mêmes. Avec notre être. C’est à dire la réalité belle et gratifiante que nous imaginons et rêvons de l’histoire léguée par les ancêtres ou les aînés.
Qui est la preuve, en nous restituant sens et identité, que nous avons vaincu l’aliénation et retrouvé les chemins autonomes de notre destin.
C’était le besoin profond de tout ce qui restait d’authentiques chez les élus, les administratifs, les militants et anciens moudjahidine de base qui ont ressenti, alors, combien ce symbole était le sens nécessaire à la grandeur de leur combat.
Le jeudi 12 novembre 2015, restauré, le Cercle Taleb Abderrahmane des étudiants algériens a été rouvert.
En 1930, dans l’euphorie des fêtes du centenaire et de la croyance à une Algérie éternellement française, ce local devenait le rendez-vous de la jeunesse étudiante pied-noir, avec tout ce qu’elle avait d’idéologie coloniale et de racisme institutionnel dans la tête. Ce lieu s’appellera l’Otomatic
Pendant notre Guerre de libération, il se transformera quartier général pour l’Algérie française, mêlant étudiants, soldats et parachutistes.
En réponse à l’attentat extrêmement meurtrier de la rue de Thèbes en pleine Casbah, perpétré par les ultras de l’Algérie française, premier attentat à viser spécialement des civils, Danièle Minne, 17 ans, combattante FLN, déposera une bombe dans le lieu.
La bombe a été fabriquée par Taleb Abderrahmane, né en 1930, l’année de l’euphorie coloniale.
Bref, le lieu est surchargé d’histoire, de sens, de symbolisme.
Tellement chargé que l’UGEMA, organisation des étudiants algériens, n’aura pas eu besoin de réfléchir pour renommer le lieu Cercle Taleb Abderrahmane.
Comme on lève le drapeau, symbole vainqueur, sur le champ de bataille.
Comme on vient de relever le combat pour notre mémoire.
M.B.
source : http://www.impact24.info/taleb-abderrahmane-un-livre-dans-la-resistance-culturelle/