Le mécanisme anti-sanctions US du Hezbollah se précise
Wed Jul 8, 2020 7:0AM
Le secrétaire général du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah. ©Al-Manar
Le discours qu'a tenu Nasrallah le mardi 6 juillet devrait faire diablement peur aux États-Unis. Pour la première fois depuis que la crise économique frappe le pays du Cèdre, le secrétaire général du Hezbollah a traité l'Amérique en un ennemi à abattre sur un terrain où cette dernière dispose ou croit disposer encore des leviers de pression, avant d'assurer que le Hezbollah sait comment mettre en échec l'Amérique et surtout le fait qu'il possède les moyens pour le faire. Le défi est de taille pour une Amérique qui dispute rageusement les oripeaux de sa grandeur d'antan en Asie de l'Ouest et qui, expulsée de la scène libanaise depuis 2006, use et abuse de tout pour se réinventer une influence au Liban lequel lui échappe définitivement. Or ce bras de fer anti-US, Nasrallah, en superbe stratège qu'il est, le conduit étape par étape, quitte à faire des plans américains des pièges à refermer sur l'Amérique elle-même.
« Sachez que le Hezbollah ne capitulera pas, et que votre politique de sanctions contre le Liban ne va pas l'affaiblir. Bien au contraire, cette politique va renforcer le Hezbollah, tout en affaiblissant vos alliés, qui sont eux frappés par vos sanctions. Et viendra le jour où vos alliés viendront chez nous demander de l'aide. Vous perdez donc votre temps à pousser vos alliés à changer de camp, à nous rejoindre, et puis in fine à placer le Liban entier sous la protection du Hezbollah.»
Quand Nasrallah a choqué l'Amérique!
Nasrallah évoque-t-il ce modus operandi propre à déjouer la loi César et à la retourner comme une anti-arme contre l'Amérique et son camps ? Visiblement.
Depuis le 17 juin, date à laquelle cette loi est entrée en vigueur contre la Syrie, pour s'ajouter à d'autres restrictions liées à la présence du Hezbollah au sein de l'État libanais, les monarchies du Golfe Persique perdent du poids économique au Liban tout comme la France qui, en soutien implicite des plans sionistes au pays du Cèdres, a mis une croix sur ses promesses d'aides dans le cadre de son initiative de Cèdres (2018).
C'est dans ce contexte bien délicat que Nasrallah réitère en moins d'un mois son appel à un rapprochement substantiel de l'État libanais avec l'Est, cette voie de salut vers quoi de plus en plus de nations de part le monde, même les plus américanisés d'entre elles, se tournent, ne serait-ce que pour éviter le naufrage avec un empire US en perdition: « Nous saluons toute aide internationale, à l’exception de celle d’Israël bien entendu. Bon, si la Chine nous propose de lancer des projets d’investissements au Liban, ceci veut-il dire que nous cherchons à instaurer le régime communiste dans le pays ? On nous accuse de vouloir transformer le pays en un nouvel Iran, mais ce n’est pas du tout le cas. L’Iran est un pays ami, prêt à alimenter le Liban en carburants, en pétrole et autres, ce qui ne signifie pas que le Liban deviendra un nouvel Iran...»
L'allusion au corridor Est-Ouest que les 5 pétroliers iraniens ont ouvert fin mai et que 4 autres pétroliers pratiquent en ce moment même pour fournir au Venezuela de quoi enterrer le dollar dans le cadre d'une logique de troc ou d'un échange en monnaie nationale, logique si prisée désormais par tous les États cibles des sanctions US: la Chine, la Russie, la Turquie, l'Iran et le Venezuela entre autres. La flèche adressée par Nasrallah aux pourfendeurs du rapprochement du Liban avec l'Est en a été aussi une, dirigée contre le système de finance néolibéral qui assujettit les peuples entiers :
« Le Liban ne dispose pas des critères nécessaires pour devenir un nouvel Iran. L’Iran est un grand pays qui a réussi à tenir tête au blocus, aux sanctions et aux guerres qui lui ont été imposées ces 40 dernières années. C'est une puissance qui jouit d’une auto-suffisance sur tous les plans. Certes, il est en manque de devises mais ce manque renvoie surtout au système international qui dépend largement dans ses échanges commerciaux au dollar.»
Et Nasrallah d’enfoncer le clou anti-dollar :
« La banque centrale libanaise doit verser des dizaines de milliards de dollars pour importer du pétrole. L’Iran a proposé de nous vendre son pétrole en livres libanaises. Nous avons entamé une série de discussions avec les autorités libanaises sur ce sujet loin des médias, ce qui pourra sauver les dépôts en devises de la banque centrale. Nous ferons donc tout le nécessaire pour avoir enfin la conscience tranquille envers notre pays. »
Le Hezbollah met en garde les USA: "La Résistance sortira une équation inouïe
Mais le cœur anti-américain du discours éminemment combatif du secrétaire général du Hezbollah va au-delà de ce mécanisme anti-billet vert que la Résistance ne cesse de booster par ses actes et démarches.
La Chine est revenue en force dans son discours comme pour tourner le couteau dans la plaie de l'Amérique en guerre ouverte contre Pékin :
« Les Libanais tout comme les autorités sont face à la menace de l’effondrement. Allons-nous capituler devant ce risque, ou bien allons-nous agir pour transformer les risques en opportunités ? Cette menace peut devenir une occasion en or pour nous aider à surmonter les impacts des politiques erronées de nos anciennes directions. Quand la Chine propose de lancer des projets estimés à des dizaines de milliards pour aider notre pays, nos responsables doivent prendre l’initiative et établir les contacts. Laissez les dirigeants travailler et contacter les Chinois en ce sens, au lieu de diffuser des rumeurs de toutes sortes, comme par exemple l’indécision chinoise envers le Liban.»
Il s'agit d'un projet géant de nature à aller de paire avec cette autre projet, dit route de la Résistance, laquelle relie l'Iran au Liban par l'Irak et la Syrie interposée et qui projette même de construire un chemin de fer allant de Téhéran à Damas avec un volet libanais en prévision.
Mais la présence chinoise dont parle Nasrallah ne se réduit qu'au domaine de transport quand on connait le cuisant échec américain au bout de six ans de médiation à placer les gisements gaziers offshore du Liban sous la férule sioniste et l'impatience chinoise à y investir après que l’Amérique l'a exclue outrageusement d’Israël, servant ainsi sans trop le savoir, les intérêts de la Résistance.
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Plus loin dans son discours, Nasrallah a évoqué l'empressement de l'Irak, pilier de l'axe de la Résistance, à rejoindre la contre attaque économique anti-US du Hezbollah : « Quand nous avons parlé de l’ouverture sur l’Irak, des ministres irakiens sont venus au Liban et ont rencontré le Premier ministre libanais. Cette visite est la bienvenue. L’Irak représente une grande opportunité qui peut revitaliser les secteurs commerciaux et agricoles libanais. »
Et le last but not the leas: Nasrallah a couronné ce discours de guerre par cet ultime appel à mettre au pas César et par la promesse que cette nouvelle bataille, il l'emportera comme les autres :
« Le pays ne peut pas capituler face à la Loi César qui impose des sanctions à la Syrie. Il faut trouver des brèches pour s’ouvrir à la Syrie. L’objectif est d’adresser des messages clairs aux USA selon lesquels le Liban ne peut pas accepter de mourir de faim à cause de vous. Nous allons décevoir les Américains, et nous allons le faire plus rapidement qu'ils ne le croient. »
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La Résistance libanaise frappera en premier