Agur, compañeros!
Vous l'avez sans doute remarqué, c'est le printemps! Ça se réchauffe !
Ça se réchauffe, ça se réchauffe, clament les optimistes en parlant des relations entre Cuba et les USA.
Ça se réchauffe ? Oui, peut-être. Enfin, pas aussi vite que certains veulent le croire.
Certes, depuis le 17 décembre dernier, date où les deux états ont annoncé un dégel dans des relations plus glacées que la banquise, Barack Obama a pris une série de mesures pour assouplir l’embargo. Comme l’envoi de devises vers l’île des Caraïbes ou la possibilité de payer par carte de crédit leurs achats à La Havane pour les voyageurs étasuniens autorisés à se rendre dans un pays que les USA continuent de faire figurer sur la liste des états terroristes. Toutes ces mesures en attendant que le Congrès, contrôlé par les Républicains, dont tous les chefs de la mafia cubano-américaine de Miami, lèvent le blocus imposé par leurs prédécesseurs il y a un demi siècle.
Une attente qui risque de durer quand on sait que les leaders de la majorité dans les deux chambres y sont pour l’instant hostiles. «Les mesures prises par Obama sont incomplètes et insuffisantes et ne changent pas l’essence de cette mesure unilatérale maintenue par le gouvernement américain contre Cuba» depuis 53 ans, a affirmé le ministre du Commerce extérieur Rodrigo Malmierca au quotidien officiel Granma.
Parmi les mesures prises par Obama figure l’autorisation d’un « investissement illimité pour aider les entreprises privées et des organisations non gouvernementales indépendantes sur l’île » (sources : AFP), un investi ssement jusqu’alors officieux et réservé à l’USAID, l’agence chargée du développement de la démocratie chez les autres. On imagine les rêves et les convoitises déclenchés pat l’annonce, et pas que chez MacDo et Coca Cola ! Les promoteurs de tous bords, immobiliers et touristiques, se voient déjà en train de réaliser des affaires en or sur la côte antillaise de l’île, à peu près vierge de grandes stations touristiques, ou dans la capitale, dont les trésors immobiliers feraient, après appropriation et restauration, de superbes palaces pour les flots de touristes yanquis. Et à ce sujet, justement, il semble que l’île exerce un attrait de plus en plus grand sur les foules US qui, avec leur ignorance habituelle que seule ma diplomatie naturelle m’
empêche de qualifier de « crasse », n’ont pas l’air de savoir que le Cuba d’
aujourd’hui n’a rien de commun avec le Cuba de Batista, celui de la pègre et des bordels, des casinos et des filles, où les blancs et le billet vert
étaient les rois du monde.
Mais tous ces requins financiers devraient écouter le gouvernement cubain qui rappelle, parfois sèchement, par la voix de diverses personnalités que les terrains appartiennent au peuple cubain, même si l’île est ouverte à des investissements dans d’autres secteurs.
Avant d’aller plus loin, il va falloir concrétiser les discussions qui ont eu lieu lors des rencontres bilatérales qui se sont tenues à La Havane et à Washington, à savoir dans un premier temps enlever Cuba de la liste noire et permettre l’établissement de véritables ambassades dans les deux capitales respectives, donc l’autorisation pour les banques de traiter avec l’île communiste, ce qui est encore loin d’être le cas. Pour l’instant, la liste des entreprises et des individus amnistiés de ce « crime financier » n’
est que de la poudre aux yeux. Il va falloir également négocier le chapitre des indemnisations. Quand Castro et ses Guérilleros ont imposé la Révolution, en 1959, le nouveau gouvernement a saisi et nationalisé les énormes actifs américains dans le pays, plantations de canne à sucre et autres propriétés privées, dont plusieurs hôtels Hilton, sociétés du téléphone, des transports publics, etc. dont la valeur atteindrait 7 milliards de dollars selon les exilés contre-révolutionnaires de Floride, une somme qu’ils réclament à cor et à cris.
C’est oublier un peu vite que l’embargo total sur les transactions économiques et financières, décrété en février 1962, renforcé par la loi Helms-Burton en 1996, a sérieusement affecté le développement de l’île et a causé une perte de plus de 100 milliards de dollars au peuple cubain, selon toutes les estimations publiées à ce jour. Cuba tient beaucoup à ce que le problème du contentieux soit abordé, sinon réglé. On comprend pourquoi.
On comprend aussi pourquoi les USA préfèrent dévier les débats sur le respect des Droits de l’Homme à Cuba. Un sujet brûlant inscrit au cœur de la dernière rencontre entre les deux pays, rencontre qui s’est tenue très récemment à Washington.
A mon avis, les Yanquis feraient mieux de faire profil bas. En matière des Droits de l’Homme, leur réputation n’est plus à faire. Ne sont-ils pas, selon des estimations officielles de commissions de l’ONU, le pays qui a la plus forte proportion de détenus du monde ? Celui qui exécute plus de gens que la Chine, l’Iran ou ces pays terroristes que les Etats-Unis montrent du doigt… De la monstruosité de Guantanamo où croupissent encore une centaine de détenus qui ont subi des tortures indignes et qui n’ont toujours pas été jugés après 14 ans de détention à la longue liste des états qui pratiquent la peine de mort, en passant par les fusillades dans les Campus Universitaires et autres lieux publics, la liste des atrocités made in USA est implacable.
Et si vous aviez un doute sur la façon dont les Etats-Unis appliquent la « justice », je vous offre deux pièces jointes éloquentes. L’une porte sur la plainte déposée contre le gouvernement yanqui par Alan Gross (celui qui a été « échangé » contre Gerardo, Ramon et Tony), l’autre sur l’exécution d’
un condamné à mort en Oklahoma.
Ah, pour finir sur une note « humanitaire » concernant la peine de mort aux USA, sachez que la Géorgie suspend ses exécutions pour un problème de produit létal (ses fournisseurs habituels occidentaux, pris sans doute de scrupules, ont décidé de cesser leurs envois) et que, à cause de ce même genre de problème, l'Utah pourrait rétablir la peine capitale par peloton d'exécution.
C’est pas un progrès, ça ? Avec de telles avancées humanitaires, les USA vont pouvoir donner des leçons de morale au monde entier. Les Cubains y seront-ils sensibles ? Faut voir. Nous qui les connaissons, nous savons qu’ils ont assez de bon sens pour ne pas tomber dans un aussi gros panneau et assez d’humour pour dire à leurs interlocuteurs qu’ils commencent par balayer devant leur porte.
On vous le dit : ça se réchauffe, ça se réchauffe !
Annie Arroyo
Kubako Etxea – France Cuba
07-04-15