
LUQAM, université dite populaire, fondée en 1969 avec pour mandat laccessibilité aux études, a-t-elle perdu la tête?
Voilà que la direction de lUQAM a décidé dexpulser neuf étudiants et étudiantes. La raison invoquée : « Ils auraient commis du vandalisme et des actes illégaux » lors dactivités de perturbation à luniversité. Je connais personnellement plusieurs de ces étudiants et étudiantes. Contrairement à ce que lUQAM essaie de nous faire croire, ce sont des personnes extrêmement articulées, politisées et conscientes des enjeux qui se jouent actuellement dans notre société et partout dans le monde. Des jeunes qui étudient et travaillent fort pour protéger les droits de la communauté uqamienne, faire respecter le mandat premier de lUQAM, lutter contre linjustice sociale, sensibiliser et créer des liens tant dans les murs de lUQAM quà lextérieur.
Des jeunes qui, loin dêtre nombrilistes, ont une vision globale du monde dans lequel ils vivent. Des jeunes qui étudient, travaillent pour subvenir à leurs besoins et investissent énergie et temps pour protéger les droits des étudiants et des étudiantes. Les associations étudiantes ne sont pas des nids de serpents, on ne sy bat pas et le droit de parole y est respecté. Jai fait presque toutes mes études dans cette institution, du certificat de premier cycle au doctorat. Jai assisté à de nombreuses réunions et assemblées générales, jai travaillé pour le Syndicat des étudiants et étudiantes employé.e.s., jamais je nai été témoin dactes dintimidation ou de violence au sein de ces instances démocratiques. Je dirais même que les règles du respect y sont appliquées avec beaucoup de rigueur. Mais, à la veille dune grève étudiante, après une lettre de certains professeurs dénonçant la grève qui, selon eux, même votée dans le cadre des assemblées générales des associations étudiantes, ne serait pas représentative de la volonté étudiante, je me questionne sur la montée de ce mouvement antidémocratique et, antiétudiant.
Quelque chose de grave se déroule actuellement à lUQAM. Son administration a-t-elle perdu la tête? Comment peut-elle légitimer le salissage dont fait lobjet la communauté étudiante militante? Il est évident quelle agit pour des intérêts qui ne sont pas ceux des quelque 44 000 étudiants de cette université (44 017 étudiants au 4 novembre 2014). Les dirigeants de lUQAM on même trop souvent tendance à oublier que cest grâce à ces étudiants quils ont leurs postes et les (nombreux) avantages qui les accompagnent.
Diviser pour régner : faire croire aux étudiants que la grève va les pénaliser (retard dans la diplomation, annulation de cours, entre autres), que les décisions prises par leurs associations étudiantes sont imposées par une minorité, semer le doute sur la légitimité des associations. Un référendum sur la reconnaissance de lAssociation facultaire étudiante de science politique et droit (AFESPED) et de lAssociation facultaire des sciences humaines (AFESH) a été organisé. Cette consultation démocratique a abouti à la dissolution de lAFESPED, jugée non représentative par ses membres. La réponse a été « non » à 52 %, avec un taux de participation de 58 %. Je me permets de dire aux 42 % qui nont pas répondu au référendum, ainsi quaux étudiants des autres associations qui critiquent les décisions et actions de leur association et qui ne se présentent jamais aux assemblées générales, de se taire puisquils nutilisent pas leur droit de parole et de vote. Ma grand-mère me disait, « si tu ne votes pas, tu ne te plains pas. Et elle ajoutait, cest sacré le droit de vote, on doit lutiliser. On sest battues pour lavoir ». Dans la même foulée, les médias nous parlent dune assemblée générale houleuse au cégep Édouard-Montpetit. Le monde étudiant devient un monde dangereux dominé par une poignée de fanatiques régnant en maîtres absolus. Enfin, cest ce quon voudrait nous faire croire, ce que la direction de lUQAM veut nous faire croire. En tant quobservatrice au conseil dadministration de lUQAM, jai pu à lépoque constater le mépris de certains de ses membres pour la communauté étudiante. Par contre, les deux représentants des étudiants ont toujours parlé et oeuvré avec respect, jamais en leur nom personnel ou pour des intérêts personnels, en veillant à respecter le mandat qui leur avait été confié.
Aujourdhui, la guerre est déclarée aux étudiants. Le gouvernement Couillard la déclarée ouvertement en sabrant dans léducation : 20 millions de moins à lUQAM. En effet, Mesdames et Messieurs de lAdministration, vingt millions, cest beaucoup. Mais, au lieu de couper dans les charges de cours, pourquoi ne pas supprimer les trop nombreux postes de cadres grassement payés et inutiles? Au lieu de faire la guerre aux syndicats, pourquoi ne pas nettoyer dans votre propre cour? Les salaires des cadres sont plus que confortables. Pourquoi ne pas renvoyer les professeurs connus pour avoir commis des agressions sexuelles, certains ont fait lobjet de plusieurs plaintes, et lUQAM na pas tranché avec autant de violence quelle le fait aujourdhui contre neuf étudiants et étudiantes. Vous sortez une carte de votre chapeau, à un moment stratégique, pour faire obstruction au mouvement de grève légitime de la communauté étudiante qui vous nourrit, ne loubliez pas. Vandalisme? Il faudrait sortir de votre tour divoire, repenser à mai 68 (beaucoup plus violent que 2012), remettre les choses en perspectives : ce ne sont pas les étudiants les bandits, ce sont nos dirigeants et vous marchez la main dans la main avec eux pour défendre vos propres intérêts et protéger vos acquis. Vous appuyez un travail de destruction massive de la démocratie et des droits civils. Vous travaillez pour la répression. Il me reste deux ans pour finir mon doctorat, mais vous pouvez me renvoyer. À moins que je nai plus envie de fréquenter lUQAM. Jusquoù irez-vous dans votre campagne dintimidation?
Claude Jacqueline Herdhuin
Claude Jacqueline Herdhuin : Auteure, réalisatrice, scénariste Doctorante, Études et pratiques des arts, UQAM